Procédés d’auteurs

Procédés d’auteurs

Comprendre comment commence un livre

L’écrivain britannique Ian McEWAN, dont les livres atteignent des sommets redoutables de cruauté, avec un raffinement parfaitement british, procède par sujets. Sa spécialité, comme on peut le comprendre est le malaise. Après avoir raconté l’Angleterre des années 60 in Sur la plage de Chesil ( court roman foudroyant, où un couple débutant fait face aux malentendus du sexe), celle des années 80-90 in Amsterdam ( où il fait éclater au grand jour des magouilles politiques, celle des années 2000 in Samedi (où il met l’accent sur de l’anxiété généralisée sur fond de paranoïa post 11 – Septembre) et celle des années 2010 in Solaire ( qui traite de ces belles âmes qui feignent de vouloir sauver la planète du désastre climatique alors qu’elles ne servent en réalité que leurs ambitions et leurs carrières.)

Emmanuel Carrère, lui aussi rentre dans ses livres par des sujets, des thématiques. Il lui serait impossible d’écrire dans le vide. Il amasse donc des notes de lecture et des informations d’abord sur un sujet le passionnant. Des raisons personnelles le guident toujours à se choisir ses sujets. Et, il n’est pas impossible que dans tous ses livres, ils mettent toujours en scène des proches : amis, compagnes, enfants…

Il écrit par cycle. L’Adversaire lui aurait pris sept ans. Sans doute le temps de démêler ses notes de lecture ! Un livre, à ses débuts, lui demande un peu plus d’efforts. Il n’écrirait pas la nuit, ni le matin tôt, pour ainsi dire, n’a donc pas de rituels particuliers. Sauf juste un peu de discipline et un peu de culpabilité !

L’écrivaine française Fred Vargas, commence souvent ses livres, juste avec un titre. (exemple l’Armée furieuse). Pour ce faire, après le titre elle rentre par un personnage, un assassin.? Mais quel mobile donner à l’assassin, que fera t-il et comment ? Aucune idée. Elle savait aussi qu’un des personnages aurait un sixième doigt. Mais à quoi lui servira-t-il ? Mystère. Elle savait aussi que quelqu’un parlera en inversant les lettres. Parce que ça, ça existe, elle connaît quelqu’un qui parle ainsi. Mais comment l’installer dans son histoire ? Ensuite, tous les soirs avant de se coucher, elle s’assit devant son bureau et réfléchit, jusqu’à ce qu’un soir le film se déclenche dans sa tête. Quand elle se couche les soirs, elle prépare dans sa tête les chapitres du lendemain. Après deux ou trois chapitres rédigés, le reste ne consistait qu’à suivre le film. Une fois l’histoire crachée jusqu’à la fin, elle revient et gomme tout ce qui peut s’apparenter à de l’autobiographie.

John Lrving, un écrivain prolixe américain, écrit à la main ses histoires, dans des cahiers de tous genres, toujours d’un seul côté de la double page, afin de pouvoir mettre des notes ou des encarts sur la page vierge en vis-à-vis. L’écriture à la main lui permettrait de contrôler son style, et le forcerait à ralentir son rythme. Comme Fred Vargas, quand il commence l’écriture d’un roman, il sait déjà tout ce qui va se passer. Et ainsi, il ne se demande plus: « Mais à quel moment un tel, va-t-il se repointer?» Il le sait déjà exactement, et se consacre à ce qu’il doit écrire : « un passage descriptif ?, ça devrait aller doucement ; les phrases devraient être courtes. Voilà le dialogue qui convient à tel endroit. . A tel endroit, cela devrait aller plus vite : voici l’action. » Prendre les phrases,

les raccourcir, accélérer le dialogue, c’est l’action. C’est cela, le travail d’un écrivain, conseille-t-il.

Pour Daniel Pennac, il faut partir d’un état mental, d’une quête de structure, donc de cohérence, même si dans la vie, rien ne se passe de façon cohérente. Mais une fois sa structure posée, il fait faire confiance au hasard pour avancer dans son écriture.

De façon générale, il est d’usage de commencer par un personnage qui vient à soi, toujours dans le brouillard. Plus l’écriture avance, et plus nous viennent les détails. Et cette magie ne s’opère, que quand on s’obstine à continuer d’écrire malgré tout. L’idée peut germer aussi par le biais d’événements anecdotiques dont soi-même ou un proche aurait été victime. Et hop, vous voyez l’histoire romancée que vous pouvez en tirer.

La règle d’or est de parler de ce que l’on connaît. Mais que faire si on a envie de raconter une histoire de vaisseau spatial explorant d’autres planètes ou les déboires d’un homme ayant assassiné quelqu’un et qui tente de se débarrasser du corps ? Comment s’y prend-on, dans ces deux cas, comme dans mille autres tous aussi farfelus ? Grâce à l‘imagination et de la recherche sur le sujet.

Le début est facile, du fait peut-être de sa spontanéité, ou de l’absence de thèmes. Mais à force, vient l’essoufflement. A partir de là, se poser et voir un plus loin les plans de ce qui suivra par la suite et se remettre au travail. Et ainsi de suite et ainsi de suite. Le devoir, comme l’écrivait Nabokov, n’est pas de trouver des thèmes, mais de caresser les détails qui constitueront le roman. Car ne l’oublions pas, un roman est fait de petits détails qui élèvent peu à peu l’histoire. Les thèmes naissent d’eux-mêmes, comme des nuages au- dessus d’une étendue d’eau. Les détails font les molécules des thèmes, et c’est à cela qu’il faut se coltiner quand on s’assoit chaque fois devant sa feuille de papier ou son ordi. La preuve, nombres d’écrivains balbutient quand on les interroge sur le thème de leurs livres !

Si l’on est fan de science-fiction, il est tout à fait naturel, qu’on ait envie d’en écrire soi-même. Pareil pour le polar, les romans d’amour. Ce qui serait dommage, serait de ne pas en lire suffisamment, et se mettre à revisiter lamentablement des filons d’un genre déjà abondamment surexploités. L’écueil, n’est pas dans la limitation stylistique qui est une chose, une manière parfaitement honorable pour débuter. C’est une étape tout à fait impossible d’éviter. Mais plutôt d’arriver à traiter d’autres filons de ces genres. Il suffit d’écrire ce qu’on a envie d’écrire, en y insufflant de la vie et pour rendre le texte unique, le pétrir de ce que l’on sait de l’existence, de l’amitié, des relations humaines, du sexe, du travail, du chômage,… En plus les gens adorent, dieu merci, qu’on leur parle du travail !

Jim Harrison , soit rêve ses personnages avant de les écrire. Soit les compose. Dans Péchés Capitaux et Grand maître, le protagoniste est né de l’idée de raconter un rapport à la vie très ordinaire. Celui d’un homme de son âge, aux prises avec les problèmes de son âge : la libido, les fantasmes, la vieillesse…L’idée d’un ancien flic, obsédé sexuel et alcoolique lui paraissait bien. Et comme n’importe quel auteur, il prend un peu de lui, un peu d’imaginaire pour fabriquer Sunderson. Dans Dalva, par contre, l’héroïne est totalement rêvée. Il serait chez lui, et l’aurait vue sur le balcon de son appartement à Santa Monica, en Californie. De cette rêverie est né le chef-d’œuvre humaniste, de Dalva .

Claire barré une amie virtuelle facebook aurait aussi rêvé son personnage avant de commencer à écrire. Elle aurait rêvassé d’un visage indien pendant longtemps et là , écrit le roman : Pourquoi je n’ai pas écris de films sur sitting Bull .

Hyacinthe Kougniazondé